Berger non scolarisé jusqu’à l’âge de seize ans, Elhadj Mahmoudou Bâ (1908-1978), fondateur d’Al-Falah (le salut) deviendra plus tard au terme de ses études supérieures en Arabie Saoudite, une des plus grandes figures du XXe siècle. Il a laissé une empreinte ineffaçable sur l’histoire de la dynamique islamique moderne dont il est l’incarnation parfaite, en Afrique de l’Ouest et centrale. 4 Arabophone, d’ethnie peul-halpulaar, Mahmoudou Bâ
combattra cependant cette appartenance ethnique, optant pour le titre d’homme tout court, dans le but de gommer cette différenciation, facteur des inégalités sociales et de conflits sociaux intercommunautaires.
Érudit de renommée internationale, il comptait parmi les célèbres restaurateurs islamiques et des réformateurs des structures socioculturelles de son époque. Il fit parler de lui plus que ses homologues à cause de ses impressionnants exploits dans le cadre de sa mission on ne peut plus révolutionnaire qui, nous verrons, lui
causera énormément de problèmes avec beaucoup d’acteurs de divers domaines dont celui du politique du colon, et du religieux conservateur. Le gros de ses problèmes provenait du fait qu’il n’était pas de la caste tooroodo qui monopolisait à l’époque l’enseignement coranique et les affaires religieuses, et qui de ce fait, le considérait comme un intrus. Il rendra bientôt cette mentalité rétrograde caduque, en ce sens que grâce à ses enseignements modernisateurs, émancipateurs, la direction des affaires religieuses sera désormais
basée sur des critères de compétences et de mérites et non sur des considérations ethniques, sociales et de naissance (noblesse), un legs des aïeux.
Il avait de façon inédite, consacré son énergie, ses biens, sa vie durant, à combattre en faveur de l’islam pour sa restauration, son expansion, sa vulgarisation, sa modernisation, son adaptabilité et sa compatibilité avec les sciences, techniques et technologies nouvelles qui sont à la base de tout développement dans le sens large et positif du terme. Aussi luttait-il contre l’ignorance, l’analphabétisme, l’esclavage, l’antisémitisme, la violation des droits de l’homme, la colonisation, et également pour la liberté, l’égalité, la démocratie et l’épanouissement des femmes auxquelles jusque-là, on attribuait comme unique rôle celui du ménage aux foyers.
Somme toute, Elhadj Mahmoudou Bâ voulut réveiller et libérer la société africaine soumise à la fois à la colonisation impitoyable et égoïste, et aux forces réactionnaires et assimilés tels maraboutistes, sorciers, magiciens, fétichistes. Cette position d’un réformateur moderne lui coûtera d’obstacles sur son chemin, sachant que ce combat dont il fit courageusement tien, va se dérouler sur un terrain miné, en ce sens qu’en Afrique de l’Ouest et centrale, l’arène de son action, pullulent ces malfaiteurs indexés là-dessus, dont l’activité est la cible privilégiée de ses attaques. Combattre tous ces fléaux, cela s’apparente à un suicide ! Mahmoudou Bâ en était conscient, mais il fallait qu’il agît et vite afin de sauver ce monde atteint de l’ignorance et l’analphabétisme, un véritable cancer pour la société. Il savait que seul le savoir gommerait l’ignorance et du coup libérerait
définitivement les peuples d’Afrique noire.
Toutes ces forces anti progressistes dans une alliance implicite avec le colon, verront l’action du réformateur falahi d’un mauvais œil. Ce qui paraissait évident quand on sait que l’essentiel des moyens de leurs subsistances provenait de l’ignorance et de l’analphabétisme des populations de ces pays, si bien qu’Ils ne laisseront pas quiconque voudra leur ôter ce privilège sans se battre avec tous les moyens, légaux ou pas, dont ils disposeront.
Extrait du livre ELHADJ MAHMOUDOU BÂ FONDATEUR D’AL-FALAH Marabout et combattant contre l’ignorance et l’analphabétisme – Mamadou Samba Sy